Vous êtes atteint d’hémochromatose ? Sachez qu’un régime alimentaire adapté peut vous permettre de stabiliser la maladie et de faire baisser le taux de ferritine. Avec le docteur Victor Simon, gastro-entérologue, essaions de mieux comprendre la maladie pour savoir quoi manger.
Qu’est ce que l’hémochromatose ?
« Les personnes atteintes d’hémochromatose ont une anomalie de l’absorption excessive du fer ingéré dans l’alimentation et ne l’éliminent pas correctement. Celui-ci s’accumule dans plusieurs organes du corps, principalement le foie, le cœur, le pancréas et la peau. Le foie est particulier touché car il a une forte capacité de stockage du fer. Il se dégrade progressivement jusqu’à la cirrhose voire le cancer du foie » explique le docteur Victor Simon. « Aux stades ultimes de la maladie, une greffe combinée du foie et du cœur peut être nécessaire » ajoute-t-il.
Quelle est la cause de la maladie ?
« Il s’agit d’une maladie génétique héréditaire. La surcharge en fer de l’hémochromatose génétique est due à un déficit de production de l’hepcidine par le foie, synthétisé essentiellement par le foie et excrété dans les urines ».
Quels sont les symptômes de la maladie ?
L’accumulation de fer est progressive et les symptômes n’apparaissent pas avant l’âge de 35-40 ans chez les hommes et 45-50 ans chez les femmes. « Grâce à leurs menstruations, les femmes réussissent à éliminer une partie du fer. A la ménopause, ce n’est plus le cas et la maladie devient symptomatique » décrit le médecin. « Les signes annonciateurs de la maladie sont une fatigue importante, l’apparition de troubles articulaires, une altération importante de l’état général, une coloration cutanée « gris ardoise » sur l’ensemble du corps (une peau qui a un aspect bronzé alors que la personne ne s’est pas exposée au soleil), des problèmes de rythme cardiaque, des troubles hépatiques, des pannes sexuelles ».
Qu’est ce que la ferritine ?
La ferritine est une protéine intracellulaire, qui se lie au fer. Elle est présente dans le foie, la rate, les muscles, la moelle osseuse et la circulation sanguine. « Le taux de ferritine dans le sang, la ferritinémie, reçoit directement la quantité de fer stockée dans l’organisme. C’est un dosage plus spécifique que celui du fer sérique. Pour la mesurer, une simple prise de sang est nécessaire. Elle permet de confirmer un diagnostic d’hémochromatose. Son taux normal est de 18 à 270 ng/ml chez l’hommede 18 à 160 ng/ml chez la femmeet de 7 à 140 ng/ml chez l’enfant. Lors d’une hémochromatose, celui-ci monte à plus de 1000 ng/ml« . Doser régulièrement la ferritine permet de suivre l’évolution de la maladie.
« Lorsque le diagnostic d’hémochromatose a été posé avec certitude, il existe deux axes pour la prise en charge du patient : le régime alimentaire et les saignées. Certaines personnes n’auront pas besoin de saignées et arriveront à compenser l’excès de fer avec un régime approprié » explique le médecin.
« A l’initiation du traitement, des saignées de 400 ml pour les femmes et 500 ml pour les hommes sont pratiquées chaque semaine jusqu’à un niveau satisfaisant de ferritine dans le sang. Une fois l’objectif atteint, il est possible d’espacer les saignées (tous les 2 à 4 mois selon les patients). Il s’agit d’un traitement à vie ».
Le sang prélevé durant la saignée peut être donné à partir de la 6 ème saignée si les 5 premières se sont déroulées sans encombre. A noter : de nombreuses femmes enceintes reçoivent une complémentation en fer en fin de grossesse. Bien que la maladie se déclenche en général à la ménopause pour les femmes, si une femme atteinte d’hémochromatose est enceinte, les saignées seront suspendues pendant la grossesse et aucune complémentation en fer ne sera donnée.
Quelle est la différence entre le fer héminique et non héminique ?
Il existe deux types de fer dans l’alimentation : le fer non héminique d’origine végétale et le fer héminique d’origine animale. Le premier est beaucoup moins bien absorbé par l’organisme que le second.
C’est pourquoi les personnes atteintes d’hémochromatose doivent privilégier les légumes et éviter la viande et le poisson.
En quoi consiste le régime alimentaire spécial hémochromatose ?
« Les personnes atteintes de la maladie ne guériront jamais et suivront un régime particulier toute leur vie pour garantir leur santé. Grâce à cela, les patients peuvent retarder pendant longtemps la survenue des complications de la maladie (atteinte du foie, du cœur, du pancréas ) ».
Le régime consiste à limiter les apports de fer héminique et à favoriser les aliments qui diminuent l’absorption du fer dans l’organisme comme le calcium. « En effet, il faut favoriser les laitages et les eaux riches en calcium (Hépar, Courmayeur, Contrex) » explique le docteur. « Certains légumes verts sont aussi très riches en calcium : épinards (ils sont riches en fer, mais en fer non héminique), mâche, cresson, brocolis, poireaux ou roquette ».
Les protéines d’origine animale devant être supprimées, il faut les remplacer par des œufs ou des protéines d’origine végétale comme les légumineuses (haricots rouges, haricots beurre, fèves, pois chiche, lentilles), le tofu, les oléagineux (noix, noisettes, noix de cajou, sésame, graine de lin ou de colza).
Le thé et le café contiennent des tanins qui permettent de limiter l’absorption du fer. « Ils doivent être bus au cours des repas. Le thé vert est particulier efficace » complet le gastro-entérologue. « S’il est bu au cours du repas, le thé vert permet de réduire de 70 % l’absorption du fer. S’il est consommé en dehors du repas, seulement 20% ».
Les fibres sont également recommandées chez les personnes souffrant d’hémochromatose. Comme le calcium, elles permettent de réduire l’absorption du fer dans l’organisme. Il peut citer les produits céréaliers complets, les beteraves, les fruits rouges, le chocolat, les patates douces, les poivrons verts…
Pour résumer, un régime pauvre en fer pour l’hémochromatose visera à privilégier les protéines végétales sources de fer non héminiques et à consommer des aliments qui diminuent l’absorption du fer dans l’organisme, ce qui constitue un excellent régime pour la santé ! Il s’agira d’adopter un régime à l’inverse de celui adopté en cas de carence en fer (anémie).
Quels sont les aliments qui doivent être interrompus ?
« Les aliments riches en fer héminique peuvent être consommés mais avec modération : les palourdes, les abats (foie de volaille et de boeuf), le rôti de boeuf, la dinde, le porc, les sardines en conserve, le saumon… Par ailleurs, il faut éviter de boire de l’alcool pour ne pas surcharger le foie » détaille le médecin. « Il ne s’agit pas vraiment d’un traitement mais plutôt de règles hygiéno-diététiques ».
NON aux régimes, OUI à WW!
Il est possible de compléter un régime alimentaire pauvre en fer par plusieurs conseils pratiques à appliquer au quotidien :
- Cuisiner avec des ustensiles conções en verre ou en céramique au lieu de la fonte ou de l’acier inoxydable ;
- Éviter de se supplémenter en vitamines et en minéraux : en cas de régime pauvre en fer, il est évidemment déconseillé de prendre des multivitamines contenant du fer, mais aussi d’éviter de prendre du zinc, puisque son absorption se voit augmentée en cas d’hémochromatose. Il faudra aussi éviter la vitamine C. En effet, la vitamine C favorise l’absorption du fer par l’organisme.
- Consommateur de plus petites portions de viandeet de la viande rouge ou des abats au maximum une fois par semaine ;
- Intégrer des protéines végétales dans l’alimentation : tofu, légumineuses et oléagineux ;
- Diminuer grandement la consommation d’alcool ;
- Consommer les fruits (riches en vitamine C) dehors des repas ;
- Prendre des laitages à la fin des repas ;
- Ne pas hésitez à boire du thé au cours du repas;
- Eviter les produits transformés, trop gras et trop sucrés.
Le docteur Victor Simon est l’auteur de « Comment réussir à être malade et à en guérir en dix leçons » aux éditions l’Esprit du temps.