Au fourneau pour leur proche hospitalisé


La nourriture peu ragoûtante servie dans le réseau de la santé pousse des proches aidants à cuisiner des petits plats maison pour les membres de leur famille hospitalisés ou résidant dans des CHSLD.

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« On dirait que je mange tous les jours la même chose, des repas qui n’ont pas de goût et qui me font perdre l’appétit », explique une femme de 81 ans renconte dans un hôpital en Montérégie.

La dame est hospitalisée depuis trois semaines pour une fracture de la hanche ; son fils a décidé de lui préparer des repas faits maison pour qu’elle puisse prendre des forces étant donné qu’elle doit se remettre sur pied. Par peur de représailles, il a demandé à taire leur identité.

« J’ai déjà goûté ce qu’on lui sert et j’avais du mal à digérer, affirme son fils de 55 ans. Donc maintenant, je lui apporte un ou deux repas par jour. Parfois trois en allant lui chercher un déjeuner chez Tim Hortons. »

Presque quotidiennement, il arrive alors dans l’établissement de santé avec une boîte à lunch, descend à la cafétéria pour réchauffer le plat et le monte à sa mère.

« Aujourd’hui, ce sont des pâtes avec du bœuf et des légumes, des betteraves, une tranche de pain et des petits gâteaux », explique-t-il à sa mère.

Des pâtes au bœuf avec légumes, du pain frais, du pâté et des biscuits.

Photo Clara Loiseau

Des pâtes au bœuf avec légumes, du pain frais, du pâté et des biscuits.

Le plaisir de manger

Sans hésiter, l’aînée pique sa fourchette dans les petits plats et mange en retrouvant du plaisir, confie-t-elle. Pourtant, l’hôpital lui avait amené un repas quelques heures plus tôt, qu’elle n’avait pas touché.

Comme lui, plusieurs proches avec qui Le Journal s’est entretenu ont décidé de se mettre aux fourneaux pour leur proche désemparé.

« Les plats de l’hôpital ne plaisaient pas du tout à ma mère, elle ne mangeait pas. Donc à un moment donné, je me suis dit que j’allais lui faire moi-même ses repas et lui apporter tous les jours. J’ai fait ça pendant peut-être 180 jours », affirme Stéphane Harvey, dont la mère a été hospitalisée à cause de problèmes de santé liés à une greffe de rein.

Il réchauffe les plats avec les micro-ondes de l'hôpital.

Photo Clara Loiseau

Il réchauffe les plats avec les micro-ondes de l’hôpital.

Chien appétissant

Au menu de l’établissement de santé : rôties molles graissées plusieurs heures en avance, viande trop cuite et sèche, redondance au niveau des plats.

Dès qu’il a commencé à lui faire des repas, le comportement de sa mère a changé. « Après ça, c’était le jour et la nuit. Elle recommençait à manger », assure celui qui a perdu sa mère il ya un an.

Et pour que ça ne soit pas une trop grande charge, M. Harvey faisait le compromis de manger les mêmes plats qu’il préparait pour sa maman, même s’il n’aimait pas toujours.

« Je faisais ce qu’elle aime pour qu’elle prenne des forces, et je mangeais la même chose parce que sinon ça aurait été trop de préparation », ajoute-t-il.

Des collations

Pour Anik Généreux, ce sont des collations qu’elle prépare chaque fois qu’elle apporte sa maman au CHSLD pour ses cinq jours de répit par mois quoque elle a droit.

« Il n’y a pas de fruits, on dirait que ça n’existe pas. On leur donne que des Jellos ou des biscuits secs, alors je lui prépare des compotes, des yaourts ou des fruits parce qu’elle aime ça et que ça va au moins lui donner un bon dessert », explique cette proche aidante de 56 ans.

Évidemment, Mme Généreux sait que souvent les repas servis à sa maman ne sont pas de la meilleure qualité.

« Mais j’ai besoin de mon répit quand elle s’en va en CHSLD, si je devais lui préparer des plats durant ces jours-là, je n’en aurais pas », déplore celle qui s’occupe chaque jour de sa maman .

Important d’avoir de bons plats pour la santé

Le plaisir de manger doit revenir au cœur des assiettes servies dans les établissements de santé, plaident des experts.

« Il faut complètement repenser l’alimentation dans les institutions et ne pas voir ça comme un service technique qui doit donner des nutriments et des protéines, mais comme un soin qui a une dimension qui dépasse juste le besoin de nourrir l’organisme », il estime Nancy Presse, professeure à l’Université de Sherbrooke et directrice du Laboratoire sur l’alimentation des aînés et la nutrition gériatrique du Centre de recherche sur le vieillissement.

Car outre le fait de se nourrir, l’alimentation prend une place de plus en plus importante chez les gens en vieillissant.

« C’est souvent un des plaisirs qui restent jusqu’à la fin. Quand on est jeune, on se nourrit pour se nourrir, mais plus on vieillit, plus ça devient une activité sociale. L’alimentation prend un autre sens », ajoute-t-elle.

Question d’argent

Pour Mme Presse, il est clair que les établissements de santé font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’on leur donne.

« On est tous d’accord que les repas en CHSLD ne gagneront pas de prix de haute gastronomie, mais ils vivent avec des contraintes budgétaires pour les services alimentaires qui sont vraiment restrictifs », explique-t-elle.

« Il faudrait vraiment une volonté politique d’agouter des sous », continue-t-elle, autant pour les repas que pour le service et l’accompagnement.

Louise St-Denis, professeure au département de nutrition de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, abonde dans le même sens.

« Le budget n’est pas toujours là. L’argent ne dispose pas les responsables des services alimentaires est souvent pas très généreux et ils doivent disposer avec des coûts très restreints », ajoute-t-elle, tout en reconnaissant que beaucoup de travail a toutefois été fait pour améliorer les repas dans les établissements .

Santé

L’alimentation a également un grand rôle à jouer dans la santé, rappellent les deux experts.

« Il faut voir la nutrition comme un plaisir, mais aussi comme un soin, parce que si on ne nourrit pas les gens comme il faut, il y a des conséquences à ça. Les gens peuvent être moins autonomes, plus sensibles aux infections, des plaies de pression, des escarres au niveau de la peau », explique Mme St-Denis.

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